On le croise souvent un livre à la main. Mathias Aubry-Rakowski aime mener une vie discrète. Il parle peu au premier abord. Il avance sans tapage, mais toujours avec une intention claire. Pour lui, tout commence par une voix. Une voix qu’on prend le temps d’entendre avant de penser à publier quoi que ce soit.
Né à Cayenne, Mathias grandit entre deux héritages forts : une mère juive polonaise et un père guyanais. Cette double appartenance structure son regard. Elle nourrit sa sensibilité aux récits et aux mémoires multiples. Très jeune, il s’interroge sur la place du sens dans une vie et choisit même d’entrer au Séminaire. Ce passage le marque durablement. Il y apprend la rigueur, l’écoute, l’attention portée à l’autre. Plus tard, il empruntera une autre voie, mais cette étape continue d’influencer sa manière d’accompagner les auteurs.
Après son adolescence, il quitte la Guyane pour poursuivre ses études en métropole. Il enseignera à Paris avant d’entrer chez Albin Michel. Là, il découvre un métier qui correspond exactement à ce qu’il cherchait : un travail exigeant et centré sur la transmission.

Avec le temps, il comprend que son rôle n’est pas de briller, mais de clarifier. Lire longuement. Accompagner un auteur. Chercher la justesse d’une forme. Faire émerger un livre qui tient debout. C’est ce rapport patient au texte qui donnera naissance, quelques années plus tard, à Mahury Éditions.
La Guyane reste au cœur de sa démarche. Pas comme une carte postale. Comme un territoire qui forge un rapport particulier au monde. Métissage. Fragilité. Force collective. Là-bas, la diversité est une réalité quotidienne. Mathias s’intéresse aux voix qu’on entend peu. Il cherche des histoires capables d’ouvrir un passage entre les mondes.

À la tête de Mahury Éditions dans les débuts de la Maison, il défend une structure volontairement à taille humaine. Il préfère publier moins, mais publier juste. Une couverture doit avoir un sens. Une typographie doit accompagner la lecture. Rien n’est laissé au hasard. Il voit chaque livre comme un objet cohérent, pensé du premier mot jusqu’à la fabrication.
Mathias écrit aussi, loin de la lumière. Ses textes questionnent le rôle de l’éditeur et ce que signifie accueillir une voix sans la déformer. On y retrouve ce qui traverse son parcours de vie.
Il ne cherche pas à monter un empire. Il veut créer un passage. Un lieu où un auteur peut avancer en confiance. Un espace où un lecteur peut trouver des récits qui comptent. C’est cette vision, simple et tenace, qui donne à Mahury une identité singulière. Et c’est elle que Mathias continue de porter, livre après livre.
DG


