Avec Mal passé, Bernard Brocq exhume un épisode méconnu et pourtant vertigineux de l’histoire de la Guyane et de la France. Nous sommes en 1763. Au sortir de la guerre de Sept Ans, le royaume, affaibli, rêve d’un nouveau départ outre-Atlantique : bâtir une colonie modèle, sans esclavage, destinée à accueillir des colons venus de toute l’Europe. Une promesse de renouveau qui, en quelques mois, se transforme en l’un des plus grands désastres humains du XVIIIᵉ siècle.
Le roman suit Eissalène Lery, jeune chirurgien embarqué dans cette aventure. À travers son regard, on traverse la traversée, la maladie, la désorganisation totale, les illusions brisées et l’effondrement progressif d’un projet pensé loin de la réalité du terrain. Brocq raconte non seulement la violence coloniale, celle infligée aux esclaves et aux peuples autochtones, mais aussi celle que les colons s’infligent à eux-mêmes, pris au piège de leur propre idéalisation.
L’écriture, précise et sensible, mêle l’ampleur du roman d’aventure à la rigueur du témoignage historique. On pense à Stevenson pour l’esprit d’exploration, mais aussi aux grands récits où la nature et l’humain se heurtent frontalement.
Mal passé nous rappelle qu’une utopie peut révéler le pire : la fragilité des corps, la cruauté des certitudes, la part d’ombre que l’Histoire tente parfois d’oublier. Un récit puissant, qui éclaire autant qu’il secoue.
M.A-R.



